Les noms


Nuage de noms
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Objectifs

Observez et déduisez

Qu'est-ce que vous remarquez par rapport aux parties soulignées du texte suivant ?


Que les bords du Cher étaient beaux, pourtant ! Sur la rive où l’on s’arrêta, le coteau venait finir en pente douce et la terre se divisait en petits prés verts, en saulaies séparées par des clôtures, comme autant de jardins minuscules. De l’autre côté de la rivière les bords étaient formés de collines grises, abruptes, rocheuses ; et sur les plus lointaines on découvrait, parmi les sapins, de petits châteaux romantiques avec une tourelle. Au loin, par instants, on entendait aboyer la meute du château de Préveranges.

Nous étions arrivés en ce lieu par un dédale de petits chemins, tantôt hérissés de cailloux blancs, tantôt remplis de sablechemins qu’aux abords de la rivière les sources vives transformaient en ruisseaux. Au passage, les branches des groseilliers sauvages nous agrippaient par la manche. Et tantôt nous étions plongés dans la fraîche obscurité des fonds de ravins, tantôt au contraire, les haies interrompues, nous baignions dans la claire lumière de toute la vallée. Au loin sur l’autre rive, quand nous approchâmes, un homme accroché aux rocs, d’un geste lent, tendait des cordes à poissons. Qu’il faisait beau, mon Dieu !

Le Grand Meaulnes, Alain-Fournier (domaine public)


Considérez ces questions :

  • Quels mots soulignés commencent par une lettre majuscule ? Comment ces mots sont-ils différents des autres ?
  • Quels mots sont pluriels ? Typiquement, comment est-ce que la forme du mot l'indique ? Quels mots ont une forme différente du pluriel, et qu'est-ce que ces mots ont en commun ?
  • En général, les mots soulignés qui se terminent par -e (rive, pente, terre...) sont de quel genre ? Y a-t-il des exceptions ?

Introduction

Un nom est un mot qui fait référence (à un lieu, une chose, une personne, un évènement, une activité, un concept…) et qui peut avoir la fonction de sujet ou d’objet dans une phrase. Les noms en français peuvent être catégorisés comme communs ou propres, comptables ou massifs, singuliers ou pluriels, et masculins ou féminins.

commun ou propre

Les noms communs indiquent une catégorie (par exemple, le nom chat indique la catégorie de chats, qui inclut beaucoup d’animaux individuels). Pour indiquer un membre spécifique de leur catégorie, ces noms ont besoin d’un déterminant (e.g. ce chat). Les noms communs ne prennent une majuscule qu’en début de phrase.

Représentants de la vie artificielle, ils vont progressivement coloniser des continents entiers du cyberespace.

Les noms propres indiquent un individu spécifique (une catégorie avec un seul membre) et prennent toujours une majuscule.

Michel et Evelyne habitent près de Rouen.

comptable ou massif

Les noms comptables (ou dénombrables) identifient des entités individuelles que l’on peut compter.

On frappe justement à la porte, deux coups puis un coup.

Par contre, un nom massif (ou indénombrable) signifie une entité que l’on ne peut pas compter. Dans l’exemple suivant, chaque ingrédient mentionné est conçu comme une quantité indéfinie et donc indénombrable.

J’ajoute de la farine, du lait, du sel et du poivre.

La différence entre les noms comptables et massifs est typiquement très claire. Cependant, quelque chose qui est typiquement massif comme l’eau (je voudrais de l’eau) peut néanmoins être conçu en termes comptables. Et vice versa, quelque chose qui est typiquement comptable comme un chemin (un chemin, deux chemins, trois chemins) peut être conçu en termes massifs :

Je trouve que c’est une eau de bonne qualité.

Le fait qu’il y ait encore un ministère des Droits des femmes prouve qu’il y a du chemin à parcourir.

Le nombre

Les noms comptables ont une forme singulière et une forme plurielle. Typiquement, la pluralité est marquée en ajoutant un -s à la fin de la forme de base, le nom singulier. Notez, par contre, que le -s ne se prononce pas (sauf en liaison). Dans le langage parlé, le déterminant est souvent le seul indice qu’un nom est singulier ou pluriel.

Il y a 2 personnes la nuit et une personne le jour.

Les noms en -s, -x, ou -z ne changent pas au pluriel. Par exemple :

Il passe environ 8h par jour à chercher des souris. (une souris, des souris)

Je ne mange que des noix de coco. (une noix, des noix)

Cette nuit, les nez rouges risquent d’être nombreux. (un nez, des nez)

Les noms en -al, -ail, ou -au au singulier se terminent en -aux au pluriel. Par exemple:

Ce n’est pas un animal : les animaux ne pensent pas.

Je pense que le rapporteur fait honnêtement son travail et respecte les travaux de la commission.

Ce matériau nous permet justement d’avoir plusieurs matériaux regroupés en un.

Il y a quelques exceptions : un bal, des bals; un carnaval, des carnavals; un festival, des festivals; un récital, des récitals; un rail, des rails.

Les noms en -eu ou -eau au singulier ajoutent -x au pluriel. Par exemple :

S’il touche à un seul de ses cheveux… un cheveu tu entends, je l’étrangle de mes mains !

On va avoir aussi des morceaux des années 80 avec un morceau d’Earth Wind And Fire ou de Phil Collins.

Ces noms en -ou se terminent par -oux au pluriel :

D'autre noms en -ou ont un pluriel régulier : un clou, des clous; un sou, des sous; un trou, des trous, etc.

pluriels irréguliers

Certains noms ont une forme irrégulière au pluriel :

Notez que certains noms suivent la règle normale pour la forme écrite du pluriel mais ont une prononciation différente au pluriel. Par exemple, le -f de ces mots est prononcé au singulier, mais pas au pluriel :

Contrairement à l’anglais, le français ne marque pas le pluriel sur les noms qui font référence à une famille.

Voici les Kennedy, en 1961.

pluriel des noms composés

Les noms composés peuvent être formés à partir de mots de diverses catégories. La marque du pluriel s’applique aux noms et aux adjectifs, mais pas aux verbes ni aux prépositions.

Cependant, un nom qui fait partie d’un mot composé ne prend pas la marque du pluriel s’il modifie un autre nom qui vient d’abord (e.g. des chefs-d’œuvre), si c’est accompagné d’un article (e.g. des trompe-l’œil), ou si c’est un nom propre (e.g. des prie-Dieu).

Le genre

En français, un nom est toujours féminin ou masculin. Il est typiquement introduit par un déterminant (le, la, un, une..) qui indique son genre.

Le genre grammatical a peu de relation avec le genre naturel. Les noms qui font référence à une catégorie humaine ou animale adoptent le genre naturel de cette catégorie (un homme, une femme, un taureau, une vache…). Pour les autres noms, les termes ‘masculin’ et ‘féminin’ sont arbitraires et ne veulent rien dire de plus que ‘classe nominale A’ et ‘classe nominale B’. Il est donc essentiel de mémoriser le genre d’un nom avec sa forme écrite et sa prononciation.

? Information : Le caractère arbitraire du genre en français est dû à son histoire. À l’origine, l’ancêtre Proto-Indo-Européen du français faisait une simple distinction entre les noms inanimés (les objets, etc.) et les noms animés (les personnes et les animaux), qui étaient éventuellement séparés en masculin et féminin. Au cours de son développement en latin et puis en français, ce système tripartite (masculin vs féminin vs inanimé/neutre) a été simplifié pour faire un système bipartite (masculin vs féminin) en accordant un genre à tous les noms inanimés.
? Variation : Le genre des noms peut changer au fil du temps, surtout pour les noms moins fréquents ou typiquement précédés de l’article ambigu l’ (puisque les locuteurs ignorent le genre « correct »). D’où la variance des noms de saisons (été, automne, etc.), tous masculins en français de référence alors que souvent féminins en français familier du Québec (de même pour argent, avion, sandwich…).

Quelques mots ont changé de genre au singulier sans changement au pluriel. Les mots amour, délice, et orgue sont censés être masculins au singulier, féminins au pluriel (le grand amour, de belles amours). Le genre du mot gens (qui est toujours pluriel) varie selon la place de l’adjectif qui le modifie (les bonnes gens, les gens forts). Toutefois, il faut reconnaître que ces règles sont suivies plus strictement à l’écrit et au registre formel qu’à l’oral ou au registre familier.

le genre des personnes

Quand un nom fait référence à une personne, son genre est généralement déterminé par le genre de la personne. Le plus souvent, la forme féminine d’un nom est faite en ajoutant un -e au nom masculin. Notez que l’ajout du -e change la prononciation de certains mots :

Votre père est avocat, votre mère était avocate.

La femme de mon meilleur ami est naturellement ma meilleure amie.

Il y a des cas où la forme féminine du nom change plus radicalement.

La serveuse dispose des fleurs dans les vases et le serveur est un maniaque des nappes.

Le talent du comédien ou de la comédienne s’exerce aussi dans le sens de la caricature.

C’est une actrice qui vit avec un acteur.

On aura donc un nouveau champion ou une nouvelle championne.

Chacun pouvait dédier une chanson à son copain ou sa copine.

En général, quand un nom masculin se termine par -e, le nom féminin reste sans changement. Seuls le déterminant ou le contexte indiquent si c’est un nom féminin ou masculin.

Puis les circonstances font que je rencontre un jeune artiste, une jeune artiste.
? Variation : Les noms de certains métiers historiquement inaccessibles aux femmes ont subi depuis les années 70 un processus de féminisation, avec des formes variables comme résultat. Si docteure se présente comme le féminin évident de docteur, d’autres métiers donnent lieu à une diversité de formes suggérées (pour chef : cheffe, chèfe, cheffesse…). Au Québec, la féminisation des métiers a avancé plutôt progressivement. En France, à cause de l’influence conservatrice de l’Académie Française, beaucoup d’institutions ont été plus lentes à adopter certaines formes, y compris écrivaine et auteure/autrice. Ceux qui préfèrent garder les formes masculines en parlant des femmes regardent le masculin grammatical comme neutre, alors que d’autres critiquent la présomption d’un masculin par défaut. Lorsque la forme du nom reste invariable (médecin, par exemple, garde sa forme car la forme féminine potentielle, médecine, est déjà son propre mot), le genre de la personne est toujours indiqué par l’article : une médecin.

le genre des objets et des idées

Le genre des noms qui font référence à des choses et des abstractions est arbitraire. Néanmoins, on peut souvent le déduire par la terminaison du mot. Typiquement, les mots en -age, -ment, -eau, -phone, -scope, -isme sont masculins et ceux en -tion, -sion, -té, -ette, -ance, -ence, -ie, -ure, -ode/-ade/-ude sont féminins.

terminaisons masculinesterminaisons féminines
le fromagela salade
le monumentla fourchette
le sentimentla télévision
le couteaula culture
le téléphonela situation
le microscopela socié
le romantismela différence
 la philosophie

le genre des noms propres

Les noms propres n’ont parfois aucun indice de leur genre, étant donné qu’ils apparaissent souvent sans article. Néanmoins, le genre des noms propres devient évident dans des circonstances où ils sont accompagnés d’un mot qui marque le genre, comme un déterminant ou un adjectif.

Dans la famille Lévy, il y a une Sylvie.

Viens, mon Francis, on y va.

Nous allons parler de notre douce et belle France.

Le genre des noms propres est déterminé selon le tableau suivant :

Type de nom propreGenreExemples
nom d’une personnegenre de la personneSylvie (f), Francis (m)
nom d’un évènementgenre du nom commun correspondantle Tour de France, la Coupe du monde
nom d’une planètefémininSaturne (f)
nom d’un continentféminin sauf l’Antarctique et l’Arctiquel’Asie (f)
nom d’un pays ou d’une îlegénéralement féminin si se terminant par -e
exceptions : le Mexique, le Cambodge, le Mozambique, le Zimbabwe, le Belize, le Suriname
la Côte d’Ivoire, le Pérou
nom d’une villegénéralement masculinParis (m)
? Information : Certaines villes, comme la Nouvelle Orléans ou le Caire, incluent l’article dans leur nom, rendant donc évident leur genre. Parmi d’autres villes, on peut trouver des genres contradictoires (la Londres du XIXe siècle, le Londres des années 60). Néanmoins, l’application du genre masculin à toutes les villes sans article devient de plus en plus commun.

Observations sur quelques noms

homophones à double genre

Des paires de mots avec la même forme mais un sens différent sont appelés homophones. Il est possible de distinguer certains homophones grâce au genre différent des deux mots.

les nombres nominaux

Les numéraux cardinaux deux, trois, etc. sont des adjectifs. On peut dériver un nom pour une quantité approximative en ajoutant -aine à certains nombres. Les nombres qui le permettent sont douze (une douzaine), quinze (une quinzaine), et les multiples de dix (une dizaine, une vingtaine, une trentaine…) jusqu’à cent (une centaine). Mille a sa propre forme pour indiquer une quantité approximative : un millier. Ces nombres sont suivis de de devant un nom :

Elle sera en ville pour une quinzaine de jours.

Une cinquantaine de députés étaient présents au moment du vote.

Pour indiquer une fraction, il faut dire le nominateur comme nombre cardinal (cinq, six, sept…) suivi du dénominateur comme nombre ordinal (cinquième, sixième, septième…).

Les montagnes couvrent les trois cinquièmes de l’étendue du territoire.

Les dénominateurs en bas de cinq ont des formes spéciales : un demi (1/2), un tiers (1/3), et un quart (1/4).

Demi est variable après (mais pas devant) un nom qu’il modifie :

Mireille ajoute une tasse et demie de lait.

J’ai quitté Paris une demi-heure après eux.

Ne confondez pas demi, qui modifie une unité (un demi-siècle, un an et demi), avec la moitié (de), qui est un nom indépendant.

Il oublie la moitié de nos sorties ensemble.

temps, heure, et fois

Temps peut signifier soit « time » soit « weather » (auquel cas il est presque toujours accompagné du verbe faire).

Ils passaient la plupart de leur temps dans le jardin.

Là, on part, il fait un temps pourri.

Temps est généralement singulier mais peut être utilisé au pluriel, en particulier dans l’expression suivante :

On dirait que les temps ont changé.

Voici les expressions les plus couramment utilisées avec temps :

Faut bien rêver de temps en temps.

Je pense à toi tout le temps.

Brigitte prend son temps avant de rentrer chez elle.

Ça me rappelle le bon vieux temps.

De mon temps, il était normal de saluer ses voisins.

Mais la plupart du temps ils refusent.

Elle était trop brillante pour perdre son temps à taper sur un clavier et répondre au téléphone.

Pendant ce temps, on va faire la sauce blanche.

On n’a pas le temps de discuter.

Tu arrives à temps pour prendre ma place.

Heure est féminin et peut être utilisé au singulier ou au pluriel. Il est utilisé pour désigner l’heure de l’horloge.

Quelle heure est-il ?

Tu as l’heure ?

Il arrive à Liège vers six heures du matin !

Maintenant c’est l’heure de la lecture.

Fois est féminin et ses formes singulières et plurielles sont identiques. Il est utilisé pour désigner un ou plusieurs cas d’un évènement.

C’est toujours un peu inquiétant, la première fois.

J’ai un suivi trois fois par semaine et je n’ai aucune difficulté à en parler.

A chaque fois que je fais quelque chose, je pense à cette promesse.

Cela constitue à la fois une bonne nouvelle et une source d’inquiétude.

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