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Quand on parle de l'articulation des consonnes, on parle principalement du lieu d'articulation (là dans la bouche où on l'articule) et de la manière d'articulation (le genre de bruit que l'on fait quand on l'articule). Les glides constituent une classification de son qui s'articule comme une voyelle, mais qui fonctionne dans le système phonologique comme une consonne. Chaque consonne et chaque glide a un symbole phonétique avec lequel il est associé.
Dans le chapitre précédent, vous avez vu qu'une voyelle est un son continu que nous articulons en faisant passer de l'air généralement sonore par la bouche (et parfois par le nez) sans empêchement. De plus, une syllabe française (que nous étudierons dans le chapitre suivant) comprend nécéssairement une voyelle. Par contre, une consonne est un segment dont l'articulation s'accomplit par un empêchement quelconque du passage d'air ; vis-à-vis de la syllabe française, les consonnes sont généralement des éléments facultatifs mais extrêmement communs.
Bien que chaque voyelle s'entend de façon plus ou moins distincte des autres, les voyelles composent un groupe beaucoup plus homogène que celui des consonnes : une consonne peut être continue ou instantanée, sononore ou sourde, forte ou douce, etc. Les voyelles n'ont qu'une source du bruit : les plis vocaux. Par contre, plusieurs sources du bruit sont possibles pour articuler une consonne. Donc, il est toujours question de sources et de filtres, mais le nombre de sources possibles augmente.
Les consonnes se caractérisent par une fermeture ou un resserrement dans la bouche, ce qui empêche—d’une manière ou une autre—l’air de sortir par la bouche. Le mode d’articulation (le degré d'empêchement et la qualité sonore ou non de l'air) et le lieu d'articulation (là dans la bouche où on fait cet empêchement) distinguent chaque consonne des autres.
Vous venez d'apprendre que le mode d'articulation comprend deux traits articulatoires de chaque consonne : comment l'air est empêché et si les plis vocaux se battent ou non. Voici les diverses manières d'empêcher l'air pour en produire les consonnes françaises (cf. le Tableau 1, ci-dessous) :
Parlons brièvement de la sonorité des consonnes. On peut articuler les occlusives, les fricatives, les affriquées et les trillées avec ou sans l'abattement des plis vocaux. Si on fait entendre la voix, on dit que la consonne est voisée (ou « sonore ») ; si on ne fait pas entendre la voix, on dit que la consonne est non voisée (ou « sourde »). Par exemple, la sonorité est la seule qualité articulatoire qui distingue l'occlusive /p/ de l'occlusive /b/, et la fricative /f/ de la fricative /v/.
TABLEAU 1 : Présentation des consonnes par lieu et mode d'articulation.
Sonorité
bilabiale
labio-
dentale
alvéo-
palato-
alvéolaire
palatale
vélaire
uvulaire
Mode
nasale
voisée
m - ma
-
n - ni
ɲ - signe
ŋ - parking
occlusive/plosive
b - beau
d - dont
g - gare
non-voisée
p - pas
t - ton
k - car
fricative
v - vais
z - ose
ʒ - âge
*ʁ - ère
f - fais
s - hausse
ʃ - hache
affriquée
ʣ - dû
ʤ - jeans
ʦ - petit
ʧ - tchatte
trillée/vibrante
*voisée
*r - frais
ʀ - riz
approximante
l - lit
*Les symboles [r] et [ʁ] représentent des allophones dialectaux ou contextuels du phonème /ʀ/.
Vérifier votre compréhension
Qu'est-ce qui distingue l'articulation de la fricative non voisée /s/ de la fricative non voisée /ʃ/ ? C'est une question de lieu d'articulation : pour la fricative /s/, on crée la restriction d'air en mettant la pointe de la langue contre la région alvéo-dentale du palais ; pour la fricative /ʃ/, on crée la restriction d'aire en mettant la langue contre la région palato-alvéolaire du palais. Ce changement de position de la langue vers le fond de la bouche rend plus bas le son fricatif (c'.-à-d., une réduction de la fréquence en Hz).
Voici les divers lieux ou on peut faire l'articulation qui empêche l'air pour en produire les consonnes françaises (cf. le Tableau 1, ci-dessus) :
Quand on décrit une voyelle, on parle de quatre attributs : l'ouverture, l'antériorité, la position/forme des lèvres et le passage d'air (nasal ou oral). Quand on décrit une consonne, on parle principalement de trois attributs : le mode d'articulation, le lieu d'articulation et la sonorité. Par exemple, la consonne /m/ est nasale, bilabiale et voisée ; la consonne /f/ est fricative, labio-dentale et non voisée ; la consonne /l/ est approximante, alvéo-dentale et voisée ; etc.
Étudiez les phonèmes du Tableau 1 (ci-dessus) pour apprendre à associer ces trois attributs à chaque consonne, mais attendez un peu avant de mémoriser les phonèmes accompagnés par une petite étoile ; nous en parlerons dans la prochaine section. Si vous avez besoin de réviser les parties de l'appareil articulatoire (par ex., les lèvres, les régions palatales, etc.), consultez la Figure 2 du chapitre qui parle de l'appareil articulatoire.
L'articulation qu'on fait pour créer un son 'R' est bien variable ; pas seulement parmi différentes variétés de français, mais aussi dans une variété donnée. Cette consonne risque de changer ses lieu et mode d’articulation (y compris sa sonorité) selon les autres segments qui l’entourent et sa position dans la syllabe, le mot, la phrase, etc.
On traitera tous les 'R' français comme des allophones du même phonème, /ʀ/. Ce symbole représente une consonne trillée uvulaire, mais dans plusieurs français métropolitains, le 'R' se prononce souvent aussi comme une fricative uvulaire (voisée [ʁ] ou non-voisée [χ]) ou une approximante vélaire [ɰ], surtout à la fin d’une syllabe (par ex., Robert /ʀobɛʁ/) ou entre deux voyelles (par ex., heureux /øχø/ ou /øɰø/). Dans certaines variétés de français, il est plus stable et se prononce dans la région alvéo-dentale comme une consonne trillée [r] ou une consonne battue [ɾ] (où il n'y a qu'un seul battement de la langue ; ‘tapped’ en anglais) . Dans certains créoles de base française (par ex., dans le créole haïtien), ce qui est un 'R' écrit dans un mot français peut être prononcé comme /w/ dans le mot haïtien correspondant, selon le contexte.
Vous pourrez typiquement employer le symbole /ʀ/ pour une transcription phonémique et réserver ces autres symboles pour les cas où on compare les allophones de manière détaillée.
Dans la section du mode d'articulation (ci-dessus), vous avez lu le terme glides dans la description des approximantes. La consonne /l/ est une approximante parce que l'empêchement faible que crée la position de la langue ne rend pas l'air turbulent ni le bloque ; plutôt, cet empêchement change la forme de la cavité buccale suffisamment pour donner une qualité particulière au son qui sort.
Il existe une sous-catégorie d'approximantes en français que l'on appelle les glides (oui, on a emprunté le terme de l'anglais) et qui comprend principalement trois segments : /j/, /ɥ/ et /w/. On articule ces segments en faisant une transition entre une voyelle et une autre. Par exemple, on articule le /j/ dans le mot vieux (/vjø/) en faisant une transition entre /i/ et /ø/. Cela ne veut pas dire qu'il y a deux voyelles prononcées dans ce mot ; il y a une seule voyelle (c.-à-d., /ø/) et un glide qui fonctionne plutôt comme une consonne pour créer un groupe consonantique (cf. le /ʀ/ avec /v/ dans le mot vrai /vʀɛ/ ; ou comparez le glide /w/ qui fonctionne comme une consonne tout comme la consonne /v/ dans les mots ouest /wɛst/ et veste /vɛst/).
Voici l'articulation de chaqu'un des trois glides :
Comme l'articulation de ces segments (et des autres approximantes plus généralement) est similaire à celle des voyelles, on entend parfois le nom semi-voyelles ; mais comme leur rôle dans une syllabe est plus consonantique que vocalique (adjectif du nom voyelle), on entend aussi le nom semi-consonnes. Les trois termes (c.-à-d., glide, semi-voyelle et semi-consonne) peuvent faire référence à ces trois segments ; mais, en français, le phonème /l/ n'est qu'une consonne et pas un glide, car son articulation est stable et non transitoire.
Introduction : La majorité des mots du créole haïtien sont d’origine française. Ces mots ont été adaptés aux besoins linguistiques des locuteurs créoles en Haïti. Certains sons sont passés d’une langue à l’autre sans trop de modification, comme on voit dans les exemples suivants (où Fr. > Cr.) :
Mais le R a subi quelques modifications fascinantes : un R prononcé dans un mot français peut être a) supprimé en créole, b) rendu comme /ɣ/ (fricative vélaire voisée) ou c) rendu comme /w/.
Instructions : D’après les données suivantes, décrivez les conditions sous lesquelles un R en français est devenu un /ɣ/, un /w/ ou rien.1 Petit indice : regardez ses segments voisins et la/les qualité(s) qu'ils partagent.
Français - Kreyòl
rire /ʀiʀ/ - ri /ɣi/
taureau /tɔʀo/ - towo /towo/
liberté /libɛʀte/ - libète /libɛte/
rhum /ʀɔm/ - wonm /wõm/
parce que - paske
/paʀskə/ - /paske/
améliorer - amelyore
/ameljɔʀe/ - /ameljoɣe/
rare /ʀaʀ/ ra /ɣa/
route /ʀut/ - wout /wut/
intéressant - enteresan
/ɛ̃teʀɛsɑ̃/ - /ẽteɣesã/
frère /fʀɛʀ/ - frè /fɣɛ/
gris /gʀi/ gri /gɣi/
groupe /gʀup/ - gwoup /gwup/
prouver /pʀuve/ - pwouve /pwuve/
trop /tʀo/ - twò /twɔ/
1Exemples tirés de Turnbull (2006).