Tools and Settings
Content
Questions and Tasks
Jusqu'ici, nous nous sommes concentrés sur une structure de base qu'une phrase française peut avoir. C'est le SVO typique, avec le sujet (un syntagme nominal) suivi d'un verbe conjugué qui peut prendre des objets direct ou indirect : [SN Vconj (SN) (SP)]. Toutes les phrases suivantes partagent cette structure :
Dans ce chapitre vous apprendrez d'autres structures qu'une phrase (ou une partie d'une phrase) peut avoir et comment identifier des similarités structurales entre des phrases différentes.
Rappelez-vous qu'un morphème est un signe linguistique, donc une forme associée à un sens. Les structures syntaxiques sont aussi des signes linguistiques, car elles associent une certaine forme (une organisation des syntagmes dans un certain ordre) à un sens.
SVO est une construction, un schéma structural associé à un sens. Les constructions ont des places où on peut insérer certains mots ou syntagmes. Le sens du SVO typique est très simple : c'est que l'entité indiquée par le premier syntagme nominal fait l'action indiquée par le verbe.
Chaque construction a un sens différent. [SN ÊTRE V-é (par SN)] (la construction passive) signifie que l'entité indiquée par le premier syntagme nominal est affectée par l'action indiquée par le verbe. Considérez les exemples suivants de cette construction :
Ces phrases n'ont presque rien en commun sémantiquement; elles parlent de lettres, de chiens, de nouvelles troublantes. Mais elles ont une similarité syntaxique et une similarité sémantique. La similarité syntaxique est qu'elles suivent toutes le schéma [SN ÊTRE V-é (par SN)] : un syntagme nominal, le verbe être, un participe passé, et facultativement un syntagme nominal marqué par la préposition par. La similarité sémantique entre ces phrases est que la relation entre le sujet et le verbe est passive, c'est à dire que le sujet subit l'action. Quand une phrase utilise la structure de la construction passive, elle aura ce sens. La grammaire n'est donc pas une simple liste de règles arbitraires. La grammaire a un sens, tout comme les mots (Goldberg 1995).
Vérifier votre compréhension
Une construction est composée d'une suite de places où peuvent être insérés certains éléments. Parfois, une place dans une construction nécessite un mot en particulier. Par exemple, la construction conditionnelle [si SN SVimp SN SVcond] a toujours le mot si devant la phrase qui indique la condition.
D'autres places peuvent accepter un mot parmi un ensemble : la construction superlative [SN V LE plus/moins (A)] a une place pour le mot plus ou moins, et une autre place pour un article défini (le, la, l', ou les).
Très souvent, les possibilités dans une construction sont plus vastes qu'un petit ensemble de mots. Par exemple, la construction présentative [il y AVOIR SN] accepte n'importe quel syntagme nominal après son verbe :
Une place dans une construction peut donc être plus ou moins schématique. Si une place dans une construction contient toujours une forme en particulier (comme le mot si dans la construction conditionnelle), on dit qu'elle est spécifique, ou peu schématique. Mais si les contraintes sur une partie d'une construction sont très libres (comme par exemple, qu'il faut seulement que ce soit un verbe quelconque), on dit qu'elle est très schématique.
Une expression est toujours exemplaire de plusieurs constructions à différents niveaux de schématicité. Par exemple, l'expression une voiture rouge exemplifie la construction [N Adj], un type de syntagme nominal où l'adjectif suit le nom. Mais cette construction partage une similarité avec d'autres constructions où un modificateur suit le mot qu'il modifie, comme [V Adv] (parle lentement) ou [N SP] (la fille d'Emma). À un niveau très schématique, on pourrait regrouper toutes ces constructions ensemble, et ensuite les comparer à celles où le modificateur précède le mot modifié (une grande voiture, bien parler...).
La construction d'un objet direct est souvent très schématique. Beaucoup de verbes acceptent comme objet direct soit un syntagme nominal, soit un infinitif, soit une phrase complétive (Gadet et al. 1984) :
Les phrases complétives sont un type de phrase subordonnée. Comme toutes les phrases, les phrases subordonnées ont un sujet et un prédicat, mais elles sont incorporées dans une autre phrase. Voici quelques types de phrase subordonnée :
Ne confondez pas les phrases subordonnées avec les phrases coordonnées, qui sont comme deux phrases indépendantes liées ensemble par une conjonction de coordination (et, ou, mais...) :
Vous avez déjà appris à représenter la structure d'une phrase par un arbre syntaxique. Une construction est une abstraction sur beaucoup de phrases avec un élément structural partagé. C'est possible de représenter une construction par un arbre en montrant les éléments partagés entre toutes ses réalisations. Dans ce cas, les places schématiques n'auront pas de mot spécifique aux bouts de l'arbre. Par exemple, l'arbre suivant représente la construction interrogative avec est-ce que :
Cet arbre est naturellement très simple. À une phrase générique comportant un sujet et un syntagme verbal est ajouté l'élément interrogatif est-ce que. Cependant, il suffit typiquement de représenter la forme d'une construction de manière linéaire, sans arbre :
[est-ce que SN SV]
Comme la description d'une construction peut varier en termes de schématicité, c'est à vous de décider combien de détails vous voulez incorporer en décrivant une construction ainsi. Il y a quelques conventions à suivre :
Aucune analyse constructionnelle n'est complète sans une description du sens. On peut se servir des abréviations entre crochets pour montrer la forme d'une construction, mais il faut aussi expliquer quel sens l'emploi de la construction apporte à la phrase.
La construction suivante, assez typique en français, comporte deux noms de suite :
Comparez les exemples (A) avec les exemples (B) suivants. Est-ce que ce sont des exemples de la même construction ou de deux constructions différentes ?
Si vous dites que (B) représente une construction différente que (A), quelles sont les différences ?
(Inspiré par : Loock, Rudy. 2013. The emergence of Noun + Noun constructions with a regressive order in contemporary French?. Journal of French Language Studies. Cambridge University Press 23(2). 259–279. https://doi.org/10.1017/S095926951200018X.)