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Tout le monde reconnaît que le langage figuratif, comme la métaphore, est un trait du langage poétique et de la littérature. Mais en fait, le langage figuratif est omniprésent dans toutes les formes du langage, de la poésie à la conversation informelle. Ce paragraphe que vous êtes en train de lire est plein de langage figuratif. Les mécanismes figuratifs (principalement la métaphore et la métonymie) sont même à la base de notre manière de penser des concepts abstraits (Lakoff & Johnson 1980).
La métaphore est un mécanisme figuratif par lequel un concept cible (l'idée que l'on veut exprimer) est exprimé en termes d'un concept source (le sens littéral des mots qu'on emploie) qui est autrement sans lien. Par exemple, on peut exprimer le concept cible de compréhension par le concept source de vision en employant la métaphore comprendre est voir, exemplifiée dans les expressions suivantes :
Dans toutes ces expressions, un mot associé littéralement à la vision est employé figurativement pour parler de la compréhension. Ce ne sont pas des expressions poétiques. C'est tout simplement l'une des manières normales de parler de la compréhension dans le langage de tous les jours.
Les métaphores expriment souvent des concepts abstraits en termes de concepts concrets. Au lieu de créer de nouveaux mots pour parler des concepts abstraits, nous adoptons des mots des domaines concrets. Par exemple, nous parlons de l'importance en termes de taille : important est grand.
Un concept abstrait qui est souvent exprimé de manière métaphorique est le temps. Il y a deux métaphores employées fréquemment en français pour parler du temps. Selon la première, le temps est un objet en mouvement :
Selon une autre métaphore, nous traversons le temps :
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La métonymie est un mécanisme figuratif qui, comme la métaphore, exprime un concept cible en termes d'un concept source. Mais contraire à la métaphore, avec la métonymie les deux concepts sont contigus. Cela veut dire que le concept source et le concept cible sont liés à la même situation ou au même contexte. Par exemple, considérez l'emploi du mot tête dans la phrase suivante :
Ici, on veut dire qu'on pense d'une image. Le concept source tête désigne donc le concept cible pensées. Ces concepts sont contigus parce que les pensées sont traitées par le cerveau, qui se trouve dans la tête. Cette métonymie diffère d'un emploi métaphorique du mot tête, comme dans cette phrase :
Dans cette phrase, le concept source tête désigne le concept cible dirigeant. Ces concepts ne sont pas contigus, mais on perçoit une similarité figurative entre la tête, qui est la partie directrice du corps, et un dirigeant, qui est la partie directrice d'une organisation. C'est donc une métaphore.
Comme la métaphore, la métonymie est omniprésente dans le langage de tous les jours (Panther & Radden 1999). Considérez les exemples suivants de métonymie :
Notez que la métonymie peut se baser sur toutes sortes de relations : une partie pour le tout, le tout pour une partie, le possesseur pour le possédé, une action pour sa suite, etc. Mais avec toutes ces relations, les concepts source et cible sont déjà associés en dehors de l'expression figurative. La métonymie est à la base de la dénotation parce qu'elle nous permet de désigner des choses plus abstraites ou complexes par une expression plus simple ou accessible.
Si un mot est employé figurativement très souvent, ce nouveau sens sera figé dans la sémantique de ce mot. C'est comment les mots changent de sens. Par exemple, le mot feu vient d'un mot latin qui voulait dire 'cheminée'. Par métonymie, le mot pour 'cheminée' était employé pour désigner le feu dans la cheminée jusqu'à remplacer l'ancien mot pour 'feu'.
La métaphore est derrière un type de changement linguistique très commun. Ce changement s'appelle la grammaticalisation. C'est où le sens lexical d'un mot devient de plus en plus fonctionnel. Par exemple, le verbe avoir a un sens lexical 'posséder'. Mais ce verbe est aussi employé comme auxiliaire aux temps composés. Ce sens fonctionnel s'est développé à partir d'une métaphore : les actions sont des possessions. Dans la phrase j'ai un livre, avoir a un sens littéral (posséder), mais dans la phrase j'ai lu un livre, avoir a un sens métaphorique et fonctionnel.
À part le changement sémantique qui constitue la grammaticalisation, il y a d'autres changements associés à ce processus. Une fois qu'un mot a développé un sens fonctionnel, il a tendance à devenir plus court et moins indépendant. Par exemple, le mot latin mente 'avec l'esprit' a été employé avec un sens métaphorique ('manière') dans des expressions telles que sola mente 'de manière seule'. Ensuite, mente est devenu plus court (ment) et moins indépendant (un suffixe) pour marquer les adverbes en français aujourd'hui : seulement, rapidement, etc.
Le langage figuratif affecte donc non seulement la sémantique, mais toute la grammaire d'une langue : syntaxe, morphologie, et phonologie.
Lisez la phrase ci-dessous, tirée d'un article de journal. Puis, appliquez la procédure qui suit, mot par mot, pour identifier les métaphores utilisées dans la phrase.
En se dotant d’un arsenal pour attirer et retenir les investissements avec le projet de loi pour « une industrie à zéro émission » de gaz à effet de serre, le réveil de l’Union européenne est salutaire face aux Etats-Unis et à la Chine.
« L’Europe enfin mûre pour une politique industrielle ». Le Monde. 18 mars 2023.
Combien de métaphores avez-vous trouvées ? Quels mots dans la phrase sont métaphoriques ?
(Inspiré par : Pragglejaz Group. 2007. MIP: A Method for Identifying Metaphorically Used Words in Discourse. Metaphor & Symbol. Taylor & Francis Ltd 22(1). 1–39. https://doi.org/10.1207/s15327868ms2201_1.)