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Dans ce chapitre, on parle de la morphologie, qui est l’étude de la structure grammaticale des mots. Vous apprendrez ce qu'est un morphème, l'unité minimale de sens, et comment les morphèmes se mettent ensemble pour créer des mots avec des sens complexes.
Les langues humaines peuvent fonctionner comme systèmes communicatifs grâce au signe linguistique, qui comprend deux éléments : la forme et le concept. Quand j'écris le mot chien, les lettres écrites c-h-i-e-n constituent la forme (une forme écrite) ; quand je prononce ce même mot, les sons prononcés /ʃjɛ̃/ (vous allez apprendre ces symboles plus tard) constituent la forme (une forme orale). Dans les deux cas, le concept peut être le même : c'est l'idée d'un mammifère à quatre pattes qui aboie. Au lieux des mots « la forme » et «le concept », vous entendrez parfois les mots « signifiant » et « signifié. »
Un signe peut faire référence à une chose physique (comme un chien), mais aussi à une action, à une émotion, à une philosophie, à une relation, etc. Le lexique est l'ensemble des signes qui existent dans une langue. Bien qu'il y ait un grand nombre de signes possibles dans une langue donnée, le lexique est limité. Pour pouvoir exprimer le nombre illimité de sens possibles dans une langue, il faut parler de la grammaire.
Dans l'introduction au livre, vous avez appris que la grammaire est un système de contrastes significatifs ou contextuels. C'est la grammaire qui détermine comment on peut mettre les signes du lexique ensemble pour créer des sens. Que vous parliez le français depuis votre enfance ou non, vos intuitions de locuteur ou locutrice de la langue française vous permettront de déterminer la grammaticalité (c.-à-d., l'acceptabilité grammaticale selon vos intuitions) des phrases suivantes :
1) Deux chasseurs poursuivent un tigre.
2) Un tigre poursuit deux chasseurs.
3) *Tigre chasseurs un poursuivre deux.1
Les trois phrases se composent des mêmes mots, mais seulement les phrases (1) et (2) sont grammaticales ; la phase (3) ne l'est pas. L'ordre des mots dans la phrase (3) n'est pas permis dans la grammaire française. Les phrases grammaticales (1) et (2) ont les mêmes mots, mais l'ordre différent des mots change le sens des deux phrases de manière significative. Ce n'est pas seulement une question d'ordre : la forme du verbe dans les phrases (1) et (2) change selon le nombre du sujet (d'habitude on ne peut pas dire « *Deux chasseurs poursuit un tigre. »). Donc, même les mots individus conforment à une structure définie par la grammaire.
Bien que la grammaire impose des limites à ce que nous pouvons dire dans la langue, elle nous permet un nombre quasiment illimité de phrases possibles. Les œuvres de littérature classique, les conversations intimes avec des amis, les chansons de rock, les discours religieux, les jurons créatifs, les cartes de vœux, les textos, etc. sont tous capables d'exprimer les myriades de sens que veut exprimer l'esprit humain.
Si la morphologie est l'étude de la structure grammaticale des mots, il faut savoir quels éléments composent cette structure. Un morphème est l'unité minimale de sens (le plus petit signe linguistique), ce qui veut dire qu'il communique de l’information et ne peut pas être divisé en d’autres unités de sens plus petites. Un mot est composé d'un ou de plusieurs morphèmes.
Un morphème indépendant est un mot complet, comme la préposition sans, le nom chat, ou l'adverbe bien ; on dit qu'il est indépendant parce qu'il n'a pas besoin d'autre morphème pour constituer un mot.
Un morphème dépendant est une partie composante d'un mot, comme le suffixe -aux ou le radical étud- ; on dit qu'il est dépendant car il a besoin d'autres morphèmes pour en créer un mot complet.
On classifie aussi les morphèmes dépendants selon leur rôle : on parle des morphèmes de dérivation et de flexion :
Considérons la séquence de lettres et de sons lions. Ce mot peut faire référence à un nombre pluriel du grand félin ou bien à l'action de lier, faite au présent par le sujet nous. Pour l'animal, on peut voir deux morphèmes : lion- est un morphème indépendant qui porte la valeur du sens, et -s est un morphème dépendant de flexion qui précise un nombre pluriel de la chose. Pour l'action, li- est un morphème dépendant qui porte la valeur du sens (c'est un radical du verbe), et -ons est un morphème dépendant de flexion qui indique le sujet qui accomplit l'action et quand et à quel degré l'action peut s'accomplir. On peut ajouter le morphème dépendent de dérivation re- au début du verbe (c.-à-d., relions), mais pas au début du nom (*Deux relions nous ont attaqués.).
Vérifier votre compréhension
Il est bien clair que chaise et Brésil sont deux morphèmes distincts, mais qu'est-ce que vous diriez de êtes et sont ? Parle-t-on du même mot/morphème ?
Quand un morphème a plusieurs formes écrites et/ou prononcées—tout en gardant le même sens—on appelle ces formes des allomorphes. Par exemple, le morphème qui indique la pluralité d'un nom ou d'un adjectif comprend plusieurs allomorphes (par ex., -s et -x). L'adjectif beau comprend trois allomorphes : beau, bel et belle. Peut-être que vous voudriez dire « Attendez une minute, cher manuel de linguistique : le sens change entre beau, bel et belle, car celui-ci décrit quelqu'un ou quelque chose de féminin et ceux-là décrivent quelqu'un ou quelque chose de masculin ! » Oui, ces formes ne s'emploient pas de manière identique, mais elles font référence au même concept : celui d'une personne ou d'une chose qui possède la qualité de beauté.
Donc pour revenir à la question posée au début de cette section, on peut dire que êtes et sont font partie du groupe des allomorphes que comprend le verbe être.
Le verbe chanter n'a qu'un seul morphème comme radical : chant-. Écrivez les allomorphes qui représentent les radicaux des verbes suivants.
Modèle
mettre → met-, mett-, mi-