Tools and Settings
Content
Questions and Tasks
Décrire le sens d'un mot et ses relations avec d'autres mots est compliqué par le fait que la plupart des mots ne couvrent pas un seul sens précis, mais plusieurs sens. Parfois les sens d'un mot sont clairement reliés, parfois leur lien est plutôt obscur, et parfois ils n'ont aucune correspondance. Les linguistes se débattent sur comment compter les sens d'un mot, comment décider si un mot a deux sens reliés (plus spécifiques) ou un sens général.
Dans cette discussion, il faut d'abord reconnaître les homophones. Ce sont des mots séparés qui ont la même prononciation par hasard mais qui ne sont pas reliés dans leur sens. Des exemples sont dans et dent, cette et sept, quand et camp, etc. La similarité phonétique entre ces mots est un accident linguistique qui est permis parce qu'en contexte, on peut typiquement les distinguer très facilement.
Parfois, les homophones deviennent gênants et sont remplacés. Par exemple, un ancien mot pour visage était vis. Éventuellement, on cessait de prononcer le s final, créant un homophone avec le nom vie et certaines conjugaisons des verbes voir et vivre. Pour éviter la confusion, on a préféré la forme longue visage, gardant vis seulement dans l'expression vis-à-vis.
Si des mots distincts ont la même forme écrite (mais pas forcément la même prononciation), ce sont des homographes. Des exemples sont est (Il est beau) et est (Il va vers l'est), portions (Nous portions des fardeaux) et portions (Elle a servi 5 portions), fils (Mon fils s'appelle Lucas) et fils (J'ai réparé les fils électriques).
Si des mots ont la même forme écrite et la même prononciation (mais des sens non-reliés), ce sont des homonymes. Les homonymes sont plus rares en français que les homophones et les homographes. Des exemples d'homonymes sont le mot ton (Ton père veut te parler vs Il m'a parlé avec un ton sérieux) et le mot son (Son frère est ici vs Il faut baisser le son de la radio).
Est-ce que les paires de mots suivantes sont des homophones, des homographes, ou des homonymes ?
Les homonymes sont des mots séparés avec des sens distincts. Mais nous trouvons régulièrement un seul mot qui a plusieurs sens reliés. En fait, on pourrait dire que presque tous les mots du français ont plus d'un sens. On appelle la condition d'un mot avec plusieurs sens la polysémie. C'est opposé à la monosémie, le fait de n'avoir qu'un sens.
La polysémie est le résultat du changement sémantique. Au fil du temps, un mot peut être employé dans de nouveaux contextes. Il attire donc de nouveaux sens. Un exemple assez récent est le mot tuer, dont le sens « Qui plaît beaucoup » est noté par le Dictionnaire de la Zone (Mon rap tue — La Fouine, « Stan Smith »). Ce mot garde tous ses sens préexistants et ajoute ce nouveau sens, devenant plus polysémique.
Si on ne connaît pas l'histoire d'un mot, il est parfois difficile de déterminer si ses sens sont reliés. Certains mots ont des sens qui semblent très différents, mais qui ont en fait une relation historique. Par exemple, le mot patron veut dire 'dirigeant des employés' et aussi 'modèle pour reproduire une forme, par exemple dans la couture'. Ces sens sont assez différents, mais ce ne sont pas deux mots distincts qui sont des homonymes. C'est un seul mot, et le deuxième sens s'est développé d'après une métaphore : dans la couture, une forme sert comme « saint patron », comme parent et modèle à suivre, pour ses reproductions.
C'est une question disputée, comment découper les sens des mots. Le mot amour désigne les sentiments romantiques en couple ainsi que les sentiments amicaux ou familiaux. Est-ce que ce sont des sens distincts (polysémie) ou un seul sens qui s'adapte au contexte (monosémie) ? La réponse dépend de la théorie sémantique adoptée.
En lisant ou en écoutant le langage, il faut déterminer le sens de chaque mot. Comme la plupart des mots sont polysémiques, cette tâche est plus compliquée que sélectionner le sens associé à chaque forme. Nous devons choisir parmi tous les sens que nous connaissons pour chaque mot. Malgré cette complexité, nous le faisons automatiquement et rapidement. Comment est-ce possible ?
L'amorçage est un phénomène psychologique qui nous permet de reconnaitre les sens des mots plus rapidement. L'amorçage décrit comment les mots au début d'un énoncé nous préparent pour les mots qui vont suivre. Par exemple, considérez le mot temps, qui peut avoir un sens chronologique ou météorologique. Imaginez que vous entendez l'énoncé suivant :
Dans cet énoncé, les mots parapluie, météo, prévoit, et beau sont des amorces qui préparent celui qui écoute de sélectionner le sens météorologique pour le mot temps qui va suivre.
Les mots précédents ne sont pas les seules amorces qui facilitent la désambiguïsation lexicale. Les mots qui suivent aident aussi, et le contexte de l'intéraction fournit des attentes sur les sens les plus probables. Si vous lisez un livre sur la linguistique (comme ceci) et vous voyez le mot arbre, vous allez rapidement sélectionner le sens 'diagramme syntaxique', alors que si vous êtes dans la forêt le sens 'grande plante avec des branches durables' viendrait plus rapidement à l'esprit. Si vous parlez avec un linguiste dans la forêt, il faut faire très attention pour sélectionner le bon sens.
La désambiguïsation lexicale est un défi pour des logiciels qui traitent le langage, tels que les moteurs de recherche.
Est-ce que le mot traduction est polysémique ? Quels sont les sens de ce mot dans les deux phrases suivantes ?
Ce mot est une nominalisation du verbe traduire (c'est-à-dire, le verbe a été transformé en nom). Est-ce que les nominalisations suivantes ont le même type de polysémie que traduction ? Pour chaque mot, écrivez deux phrases qui donnent au mot les deux sens possibles. Est-ce que vous pouvez écrire une phrase qui est ambigüe entre les deux sens ?
(Inspiré par : Sleeman, Petra & Els Verheugd. 2003. Action and Agent Nouns in French and Polysemy. In Dominique Willems, Bart Defrancq, Timothy Colleman & Dirk Noël (eds.), Contrastive Analysis in Language: Identifying Linguistic Units of Comparison, 137–154. London: Palgrave Macmillan UK. https://doi.org/10.1057/9780230524637_6.)