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Jusqu'à ce point, nous avons utilisé la théorie des ensembles pour parler de la dénotation des mots. Selon cette théorie, la dénotation du mot arbre est l'ensemble de tous les arbres, la dénotation de petit est l'ensemble de tout ce qui est petit, etc. Dans ce chapitre, vous apprendrez certains problèmes avec cette théorie. Vous apprendrez aussi comment la théorie cognitive de la catégorisation peut nous offrir une explication plus utile de l'organisation du lexique.
Regardez les définitions suivantes, qui viennent du dictionnaire Larousse en ligne :
Quelles sont les qualités de ces définitions ? Quelles sortes d'informations est-ce qu'elles nous donnent sur ces mots ?
Les définitions du dictionnaire sont écrites principalement pour fournir les conditions nécessaires et suffisantes d'une catégorie. C'est-à-dire qu'une définition explique toutes les qualités qu'une chose doit avoir pour être désignée par ce mot. Par exemple, pour le mot montagne ci-dessus, la définition indique que c'est une élévation du sol (donc pas une plaine), naturelle (donc pas un tas), qui est très importante (donc pas une colline). Si un objet satisfait à toutes ces conditions, il est inclu dans l'ensemble des montagnes, et donc dans la dénotation du mot montagne.
Les définitions du dictionnaire n'introduisent généralement pas de complexité dans ces catégories. Par exemple, d'après cette définition, nous ne savons pas ce qui serait le meilleur exemple d'une montagne. Nous ne savons pas non plus s'il y a des choses qui sont peut-être des montagnes. Cependant, nous avons de bonnes raisons de croire que ces aspects d'une catégorie font partie de la dénotation des mots.
Vérifier votre compréhension
Rosch (1978) a fait une série d'expériences pour découvrir comment les gens perçoivent les catégories désignées par des mots. Elle a trouvé les faits suivants :
Ces résultats indiquent que dans nos têtes, les catégories désignées par des mots ont des prototypes, des membres centraux, typiques et saillants. Les prototypes partagent un maximum de traits avec les autres membres de la catégorie (Les oiseaux en général ont des plumes, pondent des œufs, et peuvent voler. Les corbeaux, qui sont plutôt prototypiques, ont tous ces traits, alors que les manchots, moins prototypiques, ne volent pas). Les prototypes partagent un minimum de traits avec des objets hors de la catégorie (Nager est un trait associé aux poissons, pas aux oiseaux. Les corbeaux ne nagent pas, mais les manchots nagent). Les prototypes ont une valeur moyenne pour des traits mesurables (Les corbeaux ont une taille moyenne comparé aux autres oiseaux. Les manchots sont plutôts grands).
Notre concept de la dénotation sémantique qui fait référence aux ensembles n'est donc pas suffisant. Un ensemble a une frontière claire; ce qui fait partie ou non d'un ensemble est bien défini. Aussi, un ensemble n'est pas complexe; un membre d'un ensemble ne peut pas y appartenir plus qu'un autre. Les ensembles ne reflètent donc pas la réalité des catégories. Au lieu de définir les catégories par des conditions nécessaires et suffisantes, nous devons les définir par des prototypes.
Lakoff (1987) a proposé un nouveau concept des catégories qui regroupe les définitions traditionnelles et les prototypes. Selon sa théorie, les catégories lexicales sont des modèles idéalisés. Un modèle idéalisé est basé sur un prototype et applique ses conditions à une idée très simplifiée du monde.
Prenons le mot chaussure. Si on demandait à quelqu'un « Qu'est-ce qu'une chaussure ? », il répondrait probablement avec une définition très simple, comme « C'est quelque chose qu'on porte aux pieds ». Pour les distinguer des chaussettes, la personne ajouterait peut-être « Les chaussures sont durs » ou « On les porte au-dessus des chaussettes », mais c'est tout. Cette définition ne prend pas en compte plein d'exceptions, et n'explique pas les effets des prototypes. Alors pourquoi est-ce que les gens donnent des définitions très simples alors qu'ils ont une idée assez spécifique en tête de la chaussure prototypique (comme dans l'image ci-dessous) ?
La raison, selon Lakoff, est qu'en donnant ces définitions simples, les gens ont en tête une idée très simplifiée du monde (un modèle idéalisé). Dans ce modèle, on ne pense qu'à la situation normale où on porte des chaussures à l'extérieur au-dessus des chaussettes pour se protéger les pieds. Le modèle ne prend pas en compte des situations atypiques, comme s'habiller les pieds à l'intérieur ou dans l'eau, ou pour faire un sport spécifique comme le foot ou l'escalade. Sous ce modèle simple du monde, une définition simple suffit pour évoquer l'idée de la chaussure prototypique.
Le monde réel est bien entendu plein de complexités, et on voit toutes sortes d'objets qui satisfont à la définition (une chose qu'on porte aux pieds), mais qui ne sont pas typiques, comme les pantoufles dans l'image ci-dessous. Parce que les pantoufles correspondent aux conditions nécessaires et suffisantes, mais ne correspondent pas au modèle idéalisé, on les accepterait donc comme des chaussures, mais avec tous les avertissements des membres atypiques d'une catégorie : Les pantoufles sont en quelque sorte des chaussures, les pantoufles seront énumérées plus tard dans une liste de chaussures, etc.
Décidez si chacune des phrases suivantes est (complètement, un peu) vraie ou (complètement, un peu) fausse :
Maintenant, faites la même chose pour ces phrases avec le marqueur d'atténuation en quelque sorte ajouté. Comment est-ce que cette expression change la vérité des phrases ?
Les marqueurs d'atténuation sont des expressions comme en quelque sorte, plus ou moins, un peu, ou quasiment. Quel est l'impact sémantique de ces expressions sur les membres prototypiques d'une catégorie (comme le restaurant prototypique) ? Sur les membres non-prototypiques d'une catégorie ? Sur les non-membres d'une catégorie ?
(Inspiré par : Lakoff, George. 1973. Hedges: A study in meaning criteria and the logic of fuzzy concepts. Journal of Philosophical Logic 2(4). 458–508. https://doi.org/10.1007/BF00262952.)