Jusqu'à ce point dans cette unité du livre, vous avez appris les éléments d'une phrase : catégories de mots, constituents, syntagmes. La syntaxe décrit des relations structurales entre ces éléments dans une phrase.
La partie la plus évidente de la syntaxe concerne l'ordre des constituents dans la phrase. La plupart des langues ont un ordre typique qui s'applique à la plupart des phrases. Pour le français moderne, l'ordre le plus typique est SVO; c'est à dire, Sujet, Verbe, Objet. Dans une phrase déclarative, il y a typiquement un sujet qui précède le verbe, et puis des compléments au verbe (s'il y en a) après.
Bien entendu, cet ordre varie selon le type de phrase. Les phrases interrogatives peuvent se construire par inversion du sujet et du verbe :
Si un objet est pronominal, il prend typiquement la forme d'une clitique qui s'attache au verbe et le précède :
Le nombre de compléments dépend du verbe et du sens de la phrase, ce qui peut créer une variété de structures syntaxiques :
Certaines phrases n'ont même pas de sujet, comme à l'impératif :
D'autres langues ont un ordre différent. L'arabe a typiquement l'ordre VSO, mais d'autres ordres sont possibles et l'ordre typique varie selon le dialecte (Mohammad 2000). En latin, l'ancêtre du français, l'ordre est très variable mais SOV est le plus commun (Devine & Stephens 2006). L'allemand et l'ancien français ont un ordre V2, qui veut dire que le verbe est toujours précédé par un seul constituent mais que l'ordre des autres éléments est variable (Lohnstein & Tsiknakis 2020). Dans toutes ces langues, l'ordre des mots peut changer pour certains types de phrases (interrogatives, impératives, phrases subordonnées, etc.).
Identifiez l'ordre des composants principaux (SVO, OVS, VSO...) de chaque phrase dans le dialogue suivant. (Vous pouvez ignorer les adverbes et les syntagmes prépositionnels.)
La structure syntaxique va plus loin que l'ordre des mots. Parfois, deux phrases peuvent avoir exactement les mêmes mots dans le même ordre, mais une syntaxe différente. Par exemple, considérez les phrases suivantes :
Est-ce que les deux interprétations de cette phrase indique réellement une différence structurale ? Vous avez déjà appris que le langage est symbolique. Cela veut dire qu'il associe une forme à un sens, et s'il y a une différence systématique de sens nous attendrions à ce qu'il y ait une différence de forme. Ici dans ces phrases, les deux phrases avec des sens différents ont la même forme de surface. Il faut alors qu'il y ait une différence de forme qu'on ne voit pas à la surface, c'est-à-dire une différence de structure syntaxique.
La phrase (1) regroupe les constituents la fille et du bâtiment, parce que du bâtiment nous donne des informations sur la fille. La phrase (2) regroupe le verbe voit avec du bâtiment, parce que du bâtiment nous donne des informations sur comment le garçon voit la fille.
Ces phrases sont un exemple d'ambiguïté structurale, où une seule forme de surface a plusieurs structures possibles. Cette ambiguïté nous montre qu'en plus de déterminer l'ordre des mots, la syntaxe explique aussi quels constituents dans une phrase ont une relation plus proche et lesquels sont moins reliés. Dans la phrase (1), le syntagme prépositionnel (du bâtiment) est un complément du syntagme nominal, alors que dans la phrase (2) c'est un complément du syntagme verbal.
Chacune des phrases suivantes a au moins deux interprétations possibles. Identifiez-les. Comment est-ce que la structure de ces phrases affecte l'interprétation ?
Comme la structure syntaxique d'une phrase n'est pas toujours claire d'après sa forme de surface, un système pour représenter cette structure directement a été développé. Des diagrammes, appelés arbres syntaxiques parce qu'ils ressemblent à un arbre renversé, montrent les relations entre chaque constituent de la phrase.
Regardez l'arbre ci-dessous qui représente la phrase Le garçon voit la fille.
Notez que l'arbre commence en bas par chaque mot, dont la catégorie est indiquée par une lettre : D pour déterminant, N pour nom, V pour verbe, etc. Chaque constituent est regroupé par un nœud, dont la catégorie est aussi indiqué : SN pour syntagme nominal, SV pour syntagme verbal, etc. Remarquez que le syntagme nominal la fille fait partie du syntagme verbal voit la fille. Le nœud en haut qui regroupe tout est marqué par Ph pour phrase.
Comparez les deux arbres ci-dessous qui montrent l'ambiguïté structurale de la phrase Le garçon voit la fille du bâtiment.
Le syntagme prépositionnel du bâtiment (du comprend morphologiquement la préposition de et le déterminant le) peut être un complément du nom fille ou du verbe voit. Dans le premier arbre, le SP fait partie du syntagme nominal la fille parce que du bâtiment nous donne des informations sur la fille. Dans le deuxième arbre, le SP fait partie du SV parce qu'il nous donne des informations sur comment (de quel point de vue) le garçon voit la fille.
Ces diagrammes sont utiles parce qu'ils permettent de visualiser la différence de structure entre deux phrases qui ont la même forme de surface. Ça mène à d'autres observations sur la syntaxe. Par exemple, nous savons que c'est possible de remplacer un syntagme nominal par un pronom. Pour le premier arbre, on peut remplacer le syntagme nominal la fille du bâtiment par un pronom : Le garçon la voit. Mais pour le deuxième arbre, du bâtiment ne fait pas partie de ce syntagme nominal. Si on le remplace par un pronom, on aura donc Le garçon la voit du bâtiment. Les arbres nous aident à comprendre pourquoi on peut transformer les phrases de certaines manières selon leur structure.
Pour dessiner votre propre arbre syntaxique, suivez les étapes suivantes :
Il y a plusieurs outils en ligne pour créer des arbres syntaxiques à télécharger. Les arbres dans ce livre ont été créés avec un outil dévéloppé par Miles Shang, disponible à ce site : mshang.ca/syntree/
Lequel des arbres ci-dessous montre correctement la structure syntaxique de la phrase suivante ? Quel est le problème avec les deux arbres incorrects ?
A)
B)
C)
Un type d'ambiguïté structurale sort du fait que bon nombre de verbes en français, conjugués à la troisième personne du singulier, ressemblent à des noms (e.g., Il porte; la porte) ou à des adjectifs (e.g., Il lâche; Il est lâche). Une phrase comme Le pilote ferme la porte a deux interprétations possibles qui sont distinguées aux formes passives : 'La porte est fermée par le pilote'; 'Elle est portée par le pilote ferme'.
Pour chacune des phrases ci-dessous, écrivez deux versions passives qui représentent les deux interprétations possibles :
Phrase | Interprétation A | Interprétation B |
Le pilote ferme la porte. | 'La porte est fermée par le pilote' | 'Elle est portée par le pilote ferme' |
Le visiteur illustre le livre. | ||
Le boucher sale la tranche. | ||
L'ornithologue lâche la plume. | ||
La matière courbe l'espace. |
L'arbre syntaxique ci-dessous représente une structure possible de la phrase Le pilote ferme la porte. Cette structure corréspond à quelle interprétation ('La porte est fermée par le pilote' ou 'Elle est portée par le pilote ferme') ? Dessinez un arbre qui représente l'autre structure possible.
(Inspiré par : Berthelin, Jean-Baptiste. 2005. Contextualisation de l'ambiguïté structurelle. Présenté au colloque 2nd Language & Technology Conference: Human Language Technologies as a Challenge for Computer Science and Linguistics, 21-23 avril 2005, Poznan, Pologne. https://hal.science/file/index/docid/37115/filename/equivoque.html)
Morphology - Crash Course Linguistics #2
Syntax 1 - Morphosyntax: Crash Course Linguistics #3
Syntax 2 - Trees: Crash Course Linguistics #4
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